Norvège – Épisode 1 : En Route !

Il y a un moment de ça, j’avais évoqué en passant le fait qu’on soit allés en Norvège, il y a quelques années. Peut-être est-il temps que j’en parle sur ce blog.

Je ne pense pas avoir besoin de vous expliquer où se trouve la Norvège. Mais si, vous savez bien, ce pays scandinave, là-bas, au nord. Donc pas loin du tout, pour nous qui vivons en Finlande. En fait, Finlande et Norvège ont même une frontière commune, tout au nord. Mais depuis Helsinki, ce n’est pas exactement le chemin le plus court pour aller en Norvège.

Un Bout de Finlande vu de l’avion

Comme bien souvent, ce voyage commence donc dans un aéroport. Celui d’Helsinki. C’est là qu’on retrouve deux amis avec qui on part. On loue avec eux une petite maison dans un coin perdu de Norvège pour une semaine. En divisant entre nous le prix de la location, ça fait des vacances de luxe pour pas si cher que ça.

Contrairement au cas cauchemardesque du Svalbard, le trajet se fait sans incident. Notre avion se pose à Oslo à l’heure prévue. On récupère nos valises et direction l’agence de location de voitures. On avait réservé un véhicule, bien sûr, donc pas de soucis à se faire.

Avec le Svalbard, j’avais pu faire trois articles rien que sur le trajet. Ici, ça ne risque pas d’arriver : tout se passe sans problème. Seuls deux petits détails nous retiennent un peu plus longtemps que prévu dans le parking de l’aéroport.

L’un d’entre nous a été assez ambitieux avec le volume de bazar qu’il a emporté. Et on n’a qu’une petite voiture. Pour avoir plus grand, les prix montent vite. Surtout que c’est la Norvège, quand même. Il a donc fallu faire preuve de ressources. Mais nos heures d’entraînement sur Tetris ont payé : on a fini par réussir à tout caser.

Deuxième épreuve : apprivoiser la voiture. Ne conduire que des voitures de location, ça a ses avantages. Notamment le fait de n’avoir que des véhicules quasi-neufs. Mais à chaque fois, il faut un certain temps d’adaptation. Là, en l’occurrence, il faut plusieurs minutes à nos conductrices pour trouver comment démarrer.

Ah oui, parce qu’il faut préciser la chose. Cela aura son importance plus tard. On est un groupe de quatre : deux filles qui conduisent et deux mecs qui regardent le paysage. Parce que faire avancer un gros tas de ferraille sur la route, on ne sait pas faire. Mais on regarde vachement bien le paysage.

La Route du jour

Maintenant, direction le coin perdu. 230 km et 3h20 de route par le chemin le plus court. Mais évidemment, on ne passe pas par le chemin le plus court. Ce serait trop simple.

En Norvège, il y a un certain nombre de trucs qu’on voudrait voir. Des trucs qu’on peut pour l’essentiel classer en trois catégories : de belles montagnes, des fjords et des églises en bois debout. Sauf que la Norvège, c’est grand. Et il y a un paquet de kilomètres à faire pour aller d’un truc à l’autre. Je nous fais donc prendre quelques détours sur le chemin de l’aéroport à la maison pour voir deux, trois trucs de notre liste. Certes, ça nous rajoute 70 km et plus d’une heure de voiture. Et ce soir, on sera bien crevés. Mais les pauses à trucs régulières, ça fait du bien, aussi. Et du coup, ce n’est pas une simple journée de voyage : on va très vite voir des jolis trucs. Et les jolis trucs, c’est cool.

Bon, quand je dis « très vite », c’est relatif. Plus de deux heures avant d’atteindre le premier. Mais dans l’intervalle, on dévore du regard le paysage norvégien. Surtout nous, les mecs. Après tout, c’est notre spécialité.

Alors, ok, au démarrage, ça avait un furieux air de Finlande : des sapins, des bouleaux, des sapins, des bouleaux, un lac, des sapins, des bouleaux… Seule différence notable : le relief est légèrement plus prononcé. Mais on sait que plus on va avancer, plus le relief sera marqué. Et l’excitation dans la voiture est palpable.

Quand on approche de notre premier objectif, le paysage est déjà devenu assez montagneux. On rencontre même nos premiers lacets.

Nous voici donc à Hedalen. Et à notre première église en bois debout.

L’église en bois debout d’Hedalen

Tout d’abord, « église en bois debout ». Ça sonne bien mais c’est quoi ?

Il s’agit d’une église en bois (je sais : c’est inattendu) dont la structure est portée par des poteaux de bois verticaux, le fameux bois debout, qui reposent sur des socles de pierre. En norvégien, on appelle ces églises stavkirke, de stav, le nom de ces poteaux de bois. Et kirke, bien sûr, où l’on reconnaît facilement la racine germanique pour « église ». Ou kyrkje, d’ailleurs. Selon à quel norvégien vous demandez d’épeler ça.

Hmmm. Peut-être une petite parenthèse linguistique est-elle nécessaire. Car d’un point de vue français, la situation en Norvège est déroutante.

Il y a un « norvégien standard ». C’est la langue que vous apprenez si vous prenez des cours de « norvégien ». Il est utilisé pour les discours officiels, les émissions sur les chaînes de télévision nationales… ou si deux norvégiens de régions éloignées discutent. Dans les grandes villes, notamment à Oslo, il est aussi utilisé, dans certains milieux. Mais plus localement, au quotidien, ce sont les dialectes norvégiens qui sont utilisés. Ceux-ci restent donc la norme, pour communiquer. Et sont difficiles à compter : il y a quatre à six grands groupes de dialectes régionaux, selon comment on les range, groupes eux-mêmes subdivisés chacun en deux ou trois familles de dialectes… Bref, des dialectes, quoi. Et comme ces dialectes, bien que relativement intercompréhensibles, sont assez différents les uns des autres, il n’a pas été possible de mettre tout le monde d’accord sur une écriture standard commune. Il y en a donc plusieurs qui coexistent. Deux, surtout : le nynorsk (où l’on écrit kyrkje) et le bokmål (où l’on écrit kirke). Il y en a d’autres, comme le høgnorsk (où l’on écrit kyrkja), mais, à part dans de vieux textes, il y a peu de chances pour que vous les croisiez.

Le cimetière autour de la stavkirke… et la vue

Selon l’endroit où vous êtes en Norvège, un standard ou l’autre sera privilégié. Ou parfois, les deux seront utilisés en parallèle. En nombre d’utilisateurs, le bokmål est le plus courant. Mais dans la région où l’on va, c’est plutôt le nynorsk qui domine. Bref, vous voyez le tableau. Voilà donc le pourquoi derrière les deux variantes orthographiques.

Notez bien cependant que ce sont seulement des standards pour l’écriture. Pas deux langues différentes. Kirke ou kyrkje, un norvégien prononcera les deux exactement de la même façon. Selon les règles de son propre dialecte. Il n’y a pas de prononciation standard. À moins qu’on fasse référence au « norvégien standard ». Mais c’est une bête à part. Et puisqu’on parle de lui, il peut lui-même s’écrire en nynorsk et en bokmål. C’est alors une simple question de préférence personnelle. Vous saisissez ?

Tout ceci n’aura pas la moindre espèce d’importance pendant tout notre séjour en Norvège. Mais je trouvais la chose intéressante.

Retournons donc à Hedalen.

Vous noterez le petit beffroi, ou campanile, à gauche de la stavkirke.

L’église de départ a été construite dans les années 1160. Mais à l’époque, il n’y avait que la nef principale et l’entrée qui va avec. Au fil des siècles suivants, le bâtiment s’est fait agrandir, amputer, rénover, reconstruire… Donc son aspect extérieur actuel n’a plus qu’un petit air de famille avec ce qu’il était au Moyen Âge. Mais sa partie ouest, avec notamment l’entrée, sont toujours d’origine. Et quelle entrée !

Malheureusement, les bas-reliefs noirs dans l’ombre, dans un cadre lumineux à s’en faire péter la rétine, j’ai pas réussi à faire une photo où l’on puisse voir quelque chose. Mais j’ai deux options à vous proposer.

La première est d’aller faire un tour sur le blog de mon compagnon de voyage (l’autre mec non-conducteur, donc), autrement plus calé que moi sur ces églises en bois debout. Et il en a aussi de meilleures photos. Faut dire qu’à l’époque, j’en étais encore au petit compact à pas cher, alors forcément…

La deuxième option, c’est de mettre ici une jolie photo trouvée sur wikipédia, prise par un certain Edmund Schilvold. Merci à toi, cher inconnu. C’est beau.

La porte de la stavkirke d’Hedalen par Edmund Schilvold (photo sous licence CC BY-SA 4.0)

Serrure et poignée de la stavkirke d’Hedalen

Ces ornementations compliquées représentent trois dragons aux corps entremêlés dans un complexe motif végétal.

De mon côté, j’ai quand même pu prendre en photo les décorations sur la porte. Car c’est là une particularité des stavkirken : serrure et poignée valent toujours le coup d’œil.

L’intérieur de l’église peut se visiter. Mais c’est payant. Et on a joué aux gros radins. Dommage : apparemment, il y a de jolies choses à voir là-dedans.

Avant de partir, il y a une dernière chose qui mérite d’être mentionnée : toutes ces églises en bois debout sont entretenues de manière traditionnelle. Et l’une des choses à faire est bien sûr de protéger le bois des intempéries. Aujourd’hui, on enduirait le bois de lasure. À la place, on applique ici ce qu’on a pris l’habitude d’appeler de son nom finnois : du terva. Techniquement, le mot se traduit en « goudron ». Mais ça ne met pas forcément la bonne chose en tête. Le terva, c’est de la résine de pin. Une résine noire à l’odeur caractéristique… dont on rafole. (D’ailleurs, fun fact : j’utilise du shampooing au terva.)

Les murs noircis par le terva

Alors malheureusement, l’entretien de ces églises laisse souvent à désirer, par manque de moyens, de sorte que la couche de terva n’est pas renouvelée assez souvent. Mais dans les coins moins exposés aux éléments, celle-ci est encore présente. Ces coins se repèrent facilement puisque les murs sont alors noirs… et dégagent la fameuse odeur. Donc on a tous les quatre été sniffer l’église un bon coup de ce côté-là.

Pour se représenter l’église telle qu’elle devrait être (et telle qu’elle était autrefois), il faut donc l’imaginer entièrement noire et dégageant cette odeur à plein nez. Alors qu’en pratique, on ne voit généralement pas plus de quelques traces noires sur les murs de ces églises.

Une fois nos nez satisfaits mais aussi nos yeux rassasiés du paysage, on finit par reprendre la route. Direction une seconde stavkirke. Celle de Reinli.

Stavkirke de Reinli

Cette deuxième église semble un peu plus récente que la précédente mais il y a une grande incertitude sur son âge. Elle a vraisemblablement été construite au XIIIème siècle… ou pas loin. Mais impossible d’être plus précis.

Comparée à la précédente, elle a l’avantage d’être restée pratiquement telle quelle depuis sa construction. Et on a ici un exemple d’une église à nef unique, comme l’était celle d’Hedalen à ses débuts.

Encore une fois, on fait nos radins : l’entrée est payante, donc on se contente de l’extérieur. Maintenant que j’écris ces lignes, je le regrette un peu. Mais d’un autre côté, je me souviens que c’était bien cher (Norvège oblige) et on avait fait gloups en comptant combien, à ce rythme, toutes les visites prévues pendant ces vacances allaient nous coûter. Et en même temps, il y a peu de chances qu’on ait à nouveau l’occasion de visiter ces églises un jour. Quant au prix, au moins aurions-nous aidé à l’entretien des bâtiments car, ici aussi, la couche de terva indispensable à la préservation du bois n’a pas été renouvelée depuis beaucoup trop longtemps. Le noir du terva n’est plus visible que dans quelques interstices et sur le pourtour des fenêtres.

Serrure et poignées de la stavkirke de Reinli

La galerie qui fait le tour de l’église

Ceci dit, même en restant à l’extérieur, il y a des choses à voir. D’abord, à nouveau, la porte : les décorations sur la serrure et les poignées sont encore plus élaborées qu’à Hedalen.

On peut aussi faire le tour de la galerie. À Reinli, comme dans pas mal de stavkirken, il y a en effet une galerie qui fait tout le tour de l’église, entre les murs extérieurs et ceux de la partie interne. Il n’y a rien de joli à voir dans cette galerie. Mais pour comprendre comment l’église est construite, ça vaut le coup d’y jeter un œil. On peut y trouver quelques graffitis laissés par des sans-gênes… au XIXème siècle. Vous pourrez aussi noter les clous utilisés sur le toit, qui sortent des planches. Ils ont beau être à une distance respectable de ma tête, ils me mettent quand même un poil mal à l’aise.

Comme celle d’Hedalen, l’église de Reinli a un petit campanile, séparé du reste, où se trouvent les cloches pour rassembler les fidèles. Car c’est généralement la règle, chez les stavkirken, tout comme chez les vieilles églises italiennes : le clocher est construit à l’écart. Ici, vous le verrez forcément de près puisqu’il fait également office de porte du terrain de l’église.

La stavkirke de Reinli et son campanile

Un toit qui a du piquant

Comme la stavkirke d’Hedalen, celle de Reinli n’a plus aucun rôle religieux. Mais ici, il n’y a pas besoin d’aller loin pour voir sa remplaçante : elle est juste de l’autre côté de la route. Rien de spécial à dire dessus, ceci dit. C’est un long bâtiment en bois construit en 1964. En bois toujours, oui. En Norvège, comme en Finlande, ça reste le matériau de base. Pourquoi ? Bah parce que c’est la seule ressource qu’il y a en abondance, par ici. Cette question.

(Petite parenthèse inutile : j’utilise google translate pour les pages en norvégien, mes compétences dans cette langue étant limitées. Et il se trouve que le mot norvégien pour prêtre, à savoir prosti, est traduit en « prostituée ». Les textes sur les églises norvégiennes ainsi traduits sont tout à fait cocasses.)

Une fois bien imprégnés du lieu, on finit par reprendre la route, pour une petite demi-heure. En quel lieu remarquable allons-nous nous arrêter cette fois ? Le supermarché. Mouais. Ben écoutez, il faut bien faire les courses, des fois. Et notre maison de vacances est vraiment dans un coin paumé. J’avais repéré ce grand supermarché sur notre route. Il vaut mieux y aller, si on ne veut pas mourir de faim ce soir.

La nouvelle église de Reinli

Je vous épargnerai les détails des courses. D’autant que je ne m’en souviens absolument pas. Il faut croire qu’il n’y avait rien de mémorable là-dedans. À part s’étrangler en voyant les prix, évidemment.

Notez au passage que la Norvège n’utilise pas l’euro, si jamais vous comptez venir ici. Le pays n’est même pas dans l’Union européenne, le contraire aurait donc été étonnant. (Mais pas impossible, remarquez : quelques pays européens, comme Saint-Marin ou le Monténégro, utilisent l’euro sans faire partie de l’UE.)

La monnaie, ici, c’est la couronne norvégienne. Norsk krone, en VO. Le taux de change est plutôt facile à retenir : 1 € = 10 kr. Ou 10,098 kr, pour être précis, au moment où j’écris ces lignes.

Après cette visite exceptionnelle, on reprend la route. Seule chose à dire pour le reste du trajet : la Norvège, c’est beau. Maintenant, on est vraiment dans les montagnes. Les hauts sommets enneigés ne sont toujours pas visibles. Mais on s’en approche de plus en plus.

Après une heure et demie et quelques hésitations, on s’engage sur une toute petite route qui a l’air d’être notre but final. Elle est bitumée mais dans un tel état qu’il vaut mieux avoir un 4×4. Notre petite voiture compacte souffre. Mais c’est bien le chemin. Et on finit par arriver à la jolie maison en bois rouge dans laquelle nous allons mener notre petite vie pendant quelques jours.

Voilà une semaine qui s’annonce bien.

2 réflexions sur “Norvège – Épisode 1 : En Route !

  1. Pour info : bokmål veut dire langue des livres, nynorsk nouveau norvégien.
    En théorie l’un était sensé remplacer l’autre (comme n’importe quelle réforme orthographique), sauf qu’en réalité c’est tout autre chose comme tu nous l’a dit.

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