Venise – Partie 4

Certains cultivent la haine de la différence. Je crois que c’est une raison de plus pour continuer de partir à sa découverte ici. Et je pense qu’on a tous besoin de se changer les idées. Moi le premier. On va donc parler de complètement autre chose et continuer notre visite de Venise, comme c’était prévu. Comme diraient nos cousins britanniques : keep calm and carry on.

Maison jaune et gondole

Ceci est théoriquement le dernier article de la série sur la Sérénissime. Et il sera ici plus question de mes impressions personnelles. Qui peuvent en fait se résumer assez simplement : Venise est une ville très belle… mais ce n’est définitivement pas un endroit où j’aurais envie de vivre.

Concernant la beauté de la ville, je pense que je n’ai rien besoin de dire de plus pour vous en convaincre. Entre les superbes églises et les très nombreux palais richement décorés, il y a de quoi être ébloui. Et je n’ai même parlé de tous les musées, aux collections impressionnantes. De quoi encore s’en prendre plein les mirettes.

Pourtant, non, je n’ai aucune envie d’habiter là. Pour comprendre ça, j’ai besoin de vous décrire à quoi ressemble une promenade dans Venise.

Rue dans les branches

L’un des grands plaisirs de cette ville, c’est de partir se perdre dans ses ruelles. Alors évidemment, on risque d’arriver dans des impasses plus d’une fois. Et, si on ne fait pas gaffe (ou même en faisant gaffe, en fait), on peut ne plus trop savoir où l’on se trouve. Mais quelques panneaux placés ici et là indiquent les directions de certains endroits clefs. (Gare, pont du Rialto, place Saint-Marc…) On finit donc toujours par retrouver son chemin.

Linge qui sècheIl ne faut pas hésiter à mettre son plan de côté et déambuler dans les ruelles au petit bonheur. On se faufile alors dans d’étroits passages, entre deux rangées de petits immeubles colorés. Avec le linge qui pend aux fenêtres. Le parfait petit cliché, pourrait-on dire.

Et oui, c’est super agréable de se balader là-dedans. On tombe régulièrement sur de petites curiosités. Comme ces trois têtes, trouvées non loin de la basilique Santa Maria della Salute.

Têtes

Campanile penchéOu sur de plus grosses.

Les églises sont légion et où que l’on aille, on apercevra forcément un campanile, de temps à autre. Souvent penché.

Et rien n’empêche de trouver, au détour d’une ruelle, une façade impressionnante.

Comme celle, tout en sobriété, de l’église San Moisè.

Façade sobre

Mais alors, me direz-vous, où est le problème ? Ça donne envie, tout ça.

Immeuble abandonnéLe problème, c’est qu’il règne dans tout ça une ambiance très étrange. Les bâtiments ont du charme, c’est certain. Mais beaucoup sont vides. Partout où l’on va, on voit des volets fermés, des immeubles complètement à l’abandon. Je suis même tombé sur des panneaux « immeuble abandonné, défense d’entrer ». Si jamais on avait des doutes que tout cela n’était pas entretenu…

À son apogée, le centre historique comptait 200 000 habitants. Dans les années 1960, la population était déjà tombée à 160 000 personnes. Mais aujourd’hui, il n’y en a plus que 50 000. Et ça continue de baisser : chaque année, c’est plus d’un millier de personnes qui partent.

La raison principale à cela est le prix de l’immobilier, bien trop délirant pour attirer qui que ce soit. Pour ne rien arranger, les rez-de-chaussée sont souvent désertés, en raison des acqua alte.

Malgré ça, si la vie y était particulièrement agréable, je suppose que le centre historique pourrait attirer quelques familles aisées. Mais l’est-elle vraiment ? Honnêtement, je n’en suis pas convaincu.

RuelleMême lorsque je partais me perdre dans les ruelles complètement à l’écart des gros coins touristiques, je continuais de voir des touristes un peu partout. Et dès que l’on revient vers les axes principaux, on se retrouve au milieu d’une énorme masse de gens. Inutile d’espérer contourner ces axes : la recherche de ponts pour passer les canaux vous y ramènera quoi que vous fassiez. Et je ne parle même pas du Grand Canal. Les quatre ponts qui l’enjambent sont tous surchargés en permanence et pour les traverser il faut systématiquement slalomer entre les vendeurs de babioles et la foule de photographes. Ces derniers ne se préoccupant pas forcément de laisser le passage libre. Et je rappelle que ce que je décris là, c’est en dehors de la saison touristique. En été ou pendant le carnaval, ça doit être juste invivable.

Alors bien sûr, quand on est soi-même touriste et qu’on ne reste là qu’une semaine, ça n’a rien de rédhibitoire. Même quand, comme moi, on a plutôt horreur de la foule. Mais quand on doit faire avec ça au quotidien, je pense que ça devient vite assez lourd.

Rajoutez à cela les acqua alte bihebdomadaires. La première fois, c’est peut-être marrant. M’enfin à la longue, c’est surtout méga-chiant.

Tout cela ne me donne déjà pas spécialement envie de m’installer à Venise. Et je n’ai pas encore parlé de ce qui m’a le plus perturbé.

Le premier jour, quand on a débarqué dans Venise et qu’on se promenait dans les ruelles avec nos valises, en essayant de trouver notre logement, on a croisé une boutique de souvenirs… puis une autre boutique de souvenirs… puis une autre… et une autre, et une autre, et encore une autre, et encore, encore et encore des boutiques de souvenirs. En fait, on a parcouru des rues où il n’y avait strictement que ça. Des rues entières de boutiques de babioles pour les touristes et de masques vénitiens authentiques made in china.

égliseÇa nous a fait une drôle d’impression. On a alors commencé à comprendre pourquoi Le Routard parle de Veniceland. Ce n’est plus une ville mais une sorte de parc d’attractions. On ne trouve pas dans les rues de quoi répondre aux besoins des habitants, avec… eh bien… tout ce qu’on peut trouver dans n’importe quelle rue commerçante : magasins culturels (disques, films, livres, jeux vidéo…), hi-tech, charcuteries, poissonneries etc. Rien de tout ça. Par contre, il y a tout ce qu’il faut pour pomper au maximum l’argent des visiteurs, en leur vendant des babioles en tout genre.

Les seuls jouets que j’ai vu en vente dans la ville, c’était des puzzles ou des jeux de construction représentant les monuments de Venise. Et s’il y a effectivement des boutiques de fringues, c’est uniquement des trucs de luxe, fréquentés seulement par des touristes au portefeuille bien garni.

Pour s’acheter de quoi manger pour le quotidien, il faut vraiment savoir où aller. En revanche, les bouis-bouis pour manger sur le pouce entre deux visites, il y en a des tonnes. Ainsi qu’une flopée de restaurants, qui se partagent les touristes, le soir.

Je ne dis pas que c’est mauvais, ce qu’on y sert, hein. D’ailleurs, je peux confirmer que les pizzas qu’on a en Italie sont effectivement meilleures que celles qu’on trouve en France. La pâte à pizza, ils savent faire. (Même si je ne vois toujours pas comment on peut s’extasier devant une pizza comme certains Italiens en sont capables. Je préfère le sanglier, bon Gaulois que je suis.) Et j’ai constaté également que le vin italien n’a rien à envier au vin français, n’en déplaise à certains. Mais il y en a tellement, de ces restaurants et de ces bouis-bouis, que ça contribue à cette impression de Veniceland.

petit canal

Où que l’on aille, on est assailli de toutes parts et on a constamment l’impression de n’être vu que comme un porte-monnaie à vider. Et encore, je ne vous ai pas parlé de la partie la plus insupportable.

Dans les lieux les plus fréquentés, on croise quantité de vendeurs à la sauvette. Rien d’étonnant, remarquez. Mais beaucoup ont des méthodes de vente particulièrement envahissantes : ils viennent se mettre devant vous, vous coupant la chemin, et tentent de vous mettre directement leurs babioles dans la main. Sur la place Saint-Marc, un de ces bonhommes est carrément venu me verser des graines pour pigeons sur la main. Sérieux, mec, je t’ai déjà dit non et tu vois bien que je n’ai fait aucun geste pour les prendre, tes graines, t’es juste en train de les foutre par terre… Sans compter que ça fait plusieurs années que c’est interdit, de nourrir les pigeons. ‘Fin bon, tu t’en fous complètement, évidemment…

Une fois, c’est déjà agaçant. Mais sur la place ou sur le Rialto, c’est comme ça en permanence. À notre premier passage sur la piazza, ça nous est arrivé trois ou quatre fois en l’espace de trente secondes. Ça nous a servi de leçon : après ça, on faisait de notre mieux pour les contourner, quitte à faire de grands détours. Mais ce n’est pas toujours possible. Surtout sur les ponts.

À Murano, il y a moins de monde. Donc oui, c’est moins pire. Mais je ne me souviens pas y avoir vu un seul magasin qui n’était pas uniquement à destination des touristes.

Canal et campanile

La vie ne me semble donc pas tellement agréable à Venise. Et ce qui est sans doute le plus dérangeant pour les Vénitiens, c’est qu’ils sont une minorité dans leur propre ville. Car dans les rues, ce ne sont pas des habitants que l’on croise. Mais quasi-uniquement des visiteurs. Difficile de se sentir vraiment chez soi dans un endroit pareil.

Pour se faire une idée de la domination des touristes, il n’y a qu’à regarder la taille des paquebots qui arrivent chaque jour à Venise : ils sont aussi hauts que les plus grands campaniles de la ville !

Paquebot

La veille de notre départ, on a été faire un tour sur la Giudecca. Techniquement, ce groupe d’îles fait partie du centre historique. Mais il en est séparé par un très large canal (bien plus que le Grand Canal) et il faut prendre le bateau pour s’y rendre. Jusqu’à il y a quelques décennies, c’était le quartier malfamé de Venise. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Mais l’ambiance reste là fondamentalement différente. On y avait l’impression d’être dans une vraie ville.

Giudecca

Sur la Giudecca…

Les touristes sont beaucoup moins nombreux. Et les habitants représentent enfin une portion non négligeable des personnes présentes dans les rues. Et, comble du comble, on a croisé une boutique d’appareils ménagers sur la grande rue : le choc !

Est-ce que c’est là mon meilleur souvenir de Venise ? Ben euh… c’est pas spécialement joli, globalement. C’est pas moche non plus, notez. C’est juste qu’il n’y pas grand-chose qui vaille vraiment le coup d’œil. C’est le genre d’endroits où l’on va quand on a fait le tour de tout le reste. Mais au moins, ça ressemble à une vraie ville !

Giudecca 2

Giudecca au crépuscule

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