Acqua Alta

Parfois, à Venise, je ne pouvais m’empêcher de trouver le sol un peu bas. Ou bien l’eau un peu haute. Je ne me suis pas décidé.

Vous avez certainement tous déjà entendu parler d’inondations à Venise. La plus importante de toutes a eu lieu en 1966, avec plus d’un mètre d’eau sur la place Saint-Marc. Mais il y en a eu d’autres bien plus récemment. Peut-être certains d’entre vous se souviennent d’ailleurs de celle de 2008. Pas loin de 70 cm d’eau sur la place. Certes, on est loin du record de 1966. Mais pour s’y promener, ça ne changeait pas grand-chose : il valait mieux prévoir le maillot de bain.

Seulement, ce dont on entend parler, ce sont juste les inondations les plus importantes. D’autres, plus modestes mais tout de même bien gênantes, arrivent en fait très régulièrement. Beaucoup trop souvent pour que les médias prennent la peine de les évoquer.

Comment souvent ? Comme 100 fois par an. Ouais, ça fait beaucoup. Ça donne une moyenne de deux fois par semaine.

Pas étonnant donc que l’on n’en entende pas parler habituellement : allez faire un scoop fracassant sur quelque chose qui arrive deux fois par semaine.

Et cette moyenne a bel et bien été tenue durant notre séjour à Venise. On a donc eu le droit à deux épisodes d’acqua alta, comme ils appellent ça.

Donc, ça, c’est une marée normale… ça promet, non ?

Attention ceci dit à ne pas imaginer des inondations qui durent plusieurs jours. Ces acqua alte ne sont que des marées particulièrement importantes. Elles ne durent donc que quelques heures. Le temps que la marée passe.

Cela peut sembler étrange de parler de grosses marées, quand il est question de la mer Méditerranée. Mais il se trouve que dans l’Adriatique, elles sont beaucoup plus marquées qu’ailleurs. Et la lagune dans laquelle se situe Venise a la curieuse mais fâcheuse propriété de les amplifier. En clair, Venise est pile poil au pire endroit de toute la Méditerranée pour construire une ville sur pilotis. Ballot…

Bien entendu, vu la fréquence des inondations, les Vénitiens sont parés. Dans les rues ou place les plus problématiques, des passerelles sont prêtes à être installées à tout moment. Les bâtiments les plus exposés disposent de panneaux étanches qu’ils placent devant leur porte pour éviter que l’eau n’entre. Chacun a une paire de bottes chez lui. Et les marchands de bêtises à touristes assaillent ceux-ci pour leur vendre des sortes de sacs plastiques pourvus d’une semelle dans lesquelles emballer leurs pieds pour les garder au sec. Pas bien solides et à 10 € la paire, ça ressemble à du vol… mais de toute façon, quand on fait du 50, en trouver à sa taille est de l’ordre de l’impossible.

Pour que tout le monde puisse prendre ses précautions, une alarme retentit dans la ville pour avertir de l’inondation quelques heures avant. Avec une sorte de code indiquant l’importance de l’acqua alta à venir.

Une inondation ? Où ça ?

Tant que l’eau n’atteint pas un niveau trop élevé, les inondations n’empêchent pas les Vénitiens de vivre presque comme si de rien n’était. Les orchestres des cafés chics de la place Saint-Marc continuent de jouer sur des plate-formes surélevées sans prêter plus d’attention que ça à l’eau qui se trouve sous leurs pieds. La plupart des boutiques restent ouvertes. Et les touristes continuent de mitrailler la ville à tout va avec leur appareil photo.

En fait, il semble même que les acqua alte soient devenues une attraction touristique. Certains viennent en effet spécialement pour voir la ville sous l’eau. Ce que je trouve assez dingue.

Alors, oui, voir ça, c’est une expérience dont on se souvient, c’est sûr. Les quais disparaissant progressivement sous l’eau, c’est un spectacle assez fascinant. Cela dit, quand il pleut en continu pendant 48 heures, comme ça a été le cas pour nous, et que la mer envahit les rues une bonne partie de la journée, ce n’est pas drôle très longtemps.

Ces inondations ne sont bien sûr pas uniformes dans toute la ville. Ne serait-ce que parce que certaines zones sont plus basses que d’autres. Le point le plus bas étant la place Saint-Marc, c’est là que c’est le plus impressionnant. Je vous laisse juger…