De La Préhistoire aux Romains

Je considère que si l’on veut bien comprendre la culture d’un pays, il y a au moins deux choses essentielles à faire : étudier sa langue… et se plonger dans son histoire. Quand on a su qu’on allait s’installer aux Pays-Bas, une des premières choses que l’on a faites fut d’ailleurs d’acheter, en plus des guides touristiques indispensables à la survie en territoire inconnu, des bouquins de néerlandais… et un d’histoire.

Côté langue, il est évident que je ne vais pas essayer de vous apprendre le néerlandais. Mais je m’attarderais sans doute à l’occasion sur quelques différences culturo-linguistiques qui valent le détour. Pas aujourd’hui, cependant. Car aujourd’hui, le sujet, c’est le côté histoire.

Je vais tâcher de vous narrer au moins les grandes lignes de l’histoire fort méconnue des Pays-Bas, en une série d’articles à la fréquence pour l’instant incertaine.

On peut probablement partir du principe que vous savez tous où se situent les Pays-Bas. Mais à l’époque du début de ce récit, la carte de l’Europe était assez différente de celle que l’on connaît aujourd’hui. Grosso modo, lors de la dernière période glaciaire (de – 100 000 à – 10 000, grossièrement), l’Europe ressemblait à quelque chose dans ce genre-là :

L'Europe en -20 000Vous aurez noté que la calotte polaire descendait loin au sud. Les Pays-Bas (légèrement au sud de la petite mer intérieure, sous la calotte) n’étaient pas forcément tout le temps sous la neige… mais, globalement, ça caillait quand même sévère, dans le coin. En même temps, vous me direz, si on appelle ça une période glaciaire, ce n’est peut-être pas pour rien.

Les premières traces d’occupation humaine dans la région ont été laissées il y a plus de 200 millénaires par Néandertal. Le seul occupant humain du continent de l’époque. Les plus observateurs auront remarqué que c’était bien avant la dernière glaciation. Et que la carte d’Europe n’était donc pas celle que je viens de montrer. Bien vu. Mais cette carte est là surtout pour rappeler deux choses : d’abord, que la géographie de la planète change en permanence et que, par conséquent, quand il est question d’événements aussi loin dans le passé, nommer « Pays-Bas » la région qui se trouvait là est trompeur car celle-ci n’avait pour ainsi dire aucun rapport avec les Pays-Bas tels qu’ils existent aujourd’hui. Ensuite, de toute façon, même au cours de la glaciation, la carte de l’Europe a évidemment changé. La calotte polaire n’est pas restée bien sagement à sa place sans bouger. Elle allait et venait, selon son envie. Le niveau de la mer n’était pas forcément fixe non plus. Et par conséquent, le contour des terres changeait également. Ce que je vous montre là n’est qu’un état des lieux autour de – 20 000. Mais ça donne quand même une idée des profonds changements que la géographie du continent a pu connaître.

Carte Région Pays-Bas Antiquité Drenthe LimbourgEn bonus, cette carte montre bien que pendant la dernière glaciation, on se les gelait, dans la région. Et c’est précisément pour cette raison que l’homme, pas fou, s’est contenté de passer, ici, sans jamais s’installer pour de bon. Jusqu’à ce que les températures remontent. Ce n’est donc qu’à partir de – 10 000 que notre cher homo sapiens (car Néandertal avait disparu quelques millénaires auparavant) commence à prendre ses aises par ici. Enfin, quand je dis « par ici », ces premiers habitants n’étaient pas tellement en Hollande. Plutôt du côté de la Drenthe et du Limbourg.

Une fois la dernière glaciation finie, les Pays-Bas ont en effet commencé à prendre forme… et donc à être bas. Ce qui veut dire qu’une bonne partie du territoire était sujette aux inondations. Pas ce qu’il y a de plus confortable. Sans surprise, l’homme a préféré les endroits plus tranquilles : le Limbourg, plus haut, ne risquait pas grand-chose. Et la Drenthe, pas fondamentalement très en altitude (12 mètres, en moyenne…), l’est cependant suffisamment pour être à l’abri également.

Au Vème millénaire avant notre ère, des peuples venus d’Europe centrale débarquent dans le Limbourg à leur tour, avec dans leurs sacs les dernières trouvailles technologiques de l’époque : agriculture, élevage, céramique… À partir de là, le pays se développe et l’homme prend progressivement possession de tout le territoire néerlandais.

Carte Région Pays-Bas Ier millénaire - 1À la fin du Ier millénaire avant J.-C., se trouvaient aux Pays-Bas différents peuples. Pour les principaux, on avait au sud les Ménapiens, du côté de la Flandre et de la Zélande, et les Éburons, dans le Limbourg et le Brabant. Au nord se trouvaient les Frisons. Le premier peuple à avoir lutté contre la mer. Celle-ci envahissait en effet très souvent la Frise. Pour s’en protéger, les Frisons s’établissaient sur des terpen. Des collines artificielles. Leur permettant de rester au-dessus de l’eau, même en cas de grosse marée.

Notez d’ailleurs que j’ai tâché de faire une carte montrant ce qu’étaient les Pays-Bas avant d’avoir tous ses polders… mais la mer n’a pas arrêté d’aller et venir au fil des siècles. Les contours de la Frise, de la Hollande et de la Zélande, en particulier, (tout ce qui ressemble à du gruyère sur la carte, quoi) ont changé en permanence. Ne vous fiez donc pas trop aux détails. Mais vous pouvez quand même tenir une chose pour certaine : le pays pataugeait bien plus qu’aujourd’hui… sans compter tous les marécages qui couvraient les terres « émergées ». Mais retournons à notre histoire…

Ambiorix (photo par ArtMechanic)

Ambiorix
(photo par ArtMechanic)

En -57, Jules César vient faire rentrer les Pays-Bas dans l’histoire, justement, à grands coups d’épées dans la tronche. Ce que les Pays-Bas lui rendront bien, puisqu’en -54, les Éburons, dirigés par Ambiorix (héros national belge équivalent de notre Vercingétorix), se révoltent et taillent en pièces toute une légion romaine. Le reste des troupes se trouvant dans la région se carapate vite fait. Les Pays-Bas romains, ce n’est pas pour tout de suite.

Remarquez que, quand je dis que Jules César fait rentrer le pays dans l’histoire, ce n’est pas une façon de parler : c’est à prendre au sens littéral. L’histoire commence par définition avec l’arrivée de l’écriture. Ce n’est donc qu’avec les conquêtes romaines que tous ces peuples quittent la préhistoire. Comme pour tous les Gaulois, d’ailleurs. (Ce qui ne veut absolument pas dire qu’ils étaient moins intelligents que les Romains, attention ! Être préhistorique n’a jamais signifié être idiot.)

Carte Région Pays-Bas Ier millénaire - 2Dans les décennies qui suivent le petit coucou sanglant de César, un nouveau peuple pointe le bout de son nez : les Bataves, alliés aux Romains, qui s’installent vers l’embouchure du Rhin. Dans le même mouvement, leurs cousins les Canninéfates débarquent également. Et se posent là où je me trouve présentement : en Hollande.

En -12, l’armée romaine repasse à l’attaque. Le premier empereur romain, Auguste, envoie en effet Drusus, son fils adoptif, conquérir pour de bon la région. Parce que ces peuples pas franchement amicaux le long de la frontière (très floue alors) de l’empire, c’était pas vraiment idéal.

Drusus

Drusus

Sur sa lancée, Drusus soumet l’intégralité des Pays-Bas, avec le soutien des Bataves. Et il ne s’arrêta pas là puisqu’en -9, il atteint l’Elbe. En plein cœur de l’Allemagne actuelle.

Carte Région Pays-Bas Ier siècleLes territoires conquis ne sont cependant pas exactement pacifiés. Et en 9 après J.-C., les Germains déciment trois légions entières. Côté néerlandais, les Frisons se révoltent en 28. Ils ne seront matés que 19 ans plus tard. Et seulement pour que l’empereur Claude décide d’abandonner la Frise et de fixer la frontière sur le Rhin, où elle restera pour les deux cents ans à venir…


Licences photos :

– Ambiorix par I, ArtMechanic. Sous licence CC BY-SA 3.0 via Wikimedia Commons – http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Ambiorix.jpg#/media/File:Ambiorix.jpg

– Drusus the elder bust  Sous licence CC BY-SA 3.0 via Wikimedia Commons – http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Drusus_the_elder_bust.jpg#/media/File:Drusus_the_elder_bust.jpg

3 réflexions sur “De La Préhistoire aux Romains

  1. Bonjour cher grand blond,

    Bravo pour votre blog intéressant et plein d’humour.
    J’ai du nouveau à vous apporter à propose des Ménapiens.
    http://menapii.forumactif.be/t2-quete-d-une-origine-tribale-d-avant-jules-cesar
    J’ai ouvert ce forum après m’être fait analyser sur FTDNA.
    Après avoir farfouillé dans ma doc et sur Google Earth, je crois avoir trouvé le site de Menapia en Irlande.
    Suprenant que les Irlandais ne l’aient pas trouvé eux-même.
    Ici: https://www.google.com/maps/@52.5389664,-6.2180692,1465m/data=!3m1!1e3
    Que pensez-vous de la nouvelle hypothèse de colonies ménapiennes en Suède?
    Il y a déjà des évidences génétiques à ce sujet au nord suédois du golfe de Bothnie.
    Je pencherais pour une installation des ménapiens au lac Mälaren, soit suite à un exode, soit lié à des colonies commerciales.

    • Tout d’abord, merci beaucoup !

      Ensuite, désolé pour ce très long temps de réponse mais je n’ai pas été beaucoup chez moi, ces dernières semaines et je manquais un peu de temps. Or je voulais vous faire une réponse un minimum détaillée.

      Pour commencer, je ne suis ni historien ni archéologue, donc mon avis, il vaut ce qu’il vaut. Le fait que j’ai simplement cité le nom des Ménapiens dans cet article ne fait pas de moi un spécialiste du sujet.

      Quand vous me demandez ce que je pense de l’hypothèse de colonies ménapiennes en Suède, je suis surpris. La question est super spécifique et je ne vois pas trop ce que je pourrais vous dire de spécial à ce sujet. Si des chercheurs ont fait une étude qui semble montrer la présence de Ménapiens en Suède, ben… cool. Mais je n’ai pas l’impression que ça ait quoi que ce soit de fou-fou. On sait que les Frisons étaient présents partout autour de la mer du Nord. Alors que certains de leurs voisins ménapiens soient eux aussi allés jusqu’en Suède, ce n’est pas bien surprenant.

      Là où votre commentaire m’a beaucoup perturbé, c’est que vous trouvez important d’introduire votre blog en disant que vous vous êtes fait analyser sur FTDNA. Ce que l’analyse de vos propres gènes vient faire dans l’histoire des Ménapiens, franchement, ça m’échappe. Alors pour essayer de comprendre, j’ai été lire votre long article sur votre forum. Puis j’ai complété par quelques recherches supplémentaires sur google. Très curieusement, je n’ai fait que tomber sur vous, encore et encore. Et ce que j’ai lu dans tout ça m’a laissé un arrière-goût assez désagréable.

      Vous faites une confiance aveugle aux analyses génétiques et semblez vouloir tout expliquer en vous basant sur une vision très simpliste des gènes.
      Le coup du « gène du guerrier » pour expliquer le comportement des Vikings d’autrefois ou la délinquance de maintenant, ça fait très pseudo-science visant à justifier un certain racisme. J’ai poussé le vice jusqu’à faire des recherches sur ce gène : amusant de voir que la source citée par Wikipédia pour établir le lien entre le gène et l’agressivité démontre en réalité l’exact opposé. L’étude en question avait justement été faite pour dénoncer le surnom complètement abusif de ce gène.
      Et je passe sur votre affirmation que si les sociétés scandinaves sont aussi « civilisées » aujourd’hui, c’est grâce aux « gènes de gens civilisés » que leur ont transmis les Celtes. Le pire, c’est que quelques lignes plus bas, vous dites qu’une politique ethnique ou raciste serait irrationnelle et non-scientifique. Bizarre, vu que ce que vous venez de dire va précisément dans le sens contraire. J’ai l’impression que vous avez beaucoup de mal à assumer vos propos.

      Pour revenir aux Ménapiens, que dire ? Vous cherchez à tout prix à vous rattacher à une unique tribu ménapienne, « votre » tribu, d’où vous pensez tirer tout votre héritage… Vous considérez que votre ethnie est définie uniquement par votre chromosome Y… Vous êtes surpris que votre famille puisse ne pas se souvenir de liens avec des ancêtres ayant vécu en Bretagne il y a 2000 ans… Très irrationnel, tout cela.

      Je pourrais vous rappeler la définition du mot « ethnie » en citant Wikipédia : « un groupe social de personnes qui s’identifient entre elles sur la base d’une ascendance commune (réelle ou imaginée), d’une histoire commune, d’une culture commune ou d’un vécu commun. » Mais est-ce bien utile ? Vous avez décidé que tout est génétique et vous n’en démordrez très probablement pas.

      Vous dites aussi que « l’ADN offre l’opportunité de regarder l’histoire sans préjugé. » Or, justement, votre récit est si biaisé qu’il est difficile de le prendre au sérieux.
      Sans que ça ait tellement de rapport avec le reste, vous vous attardez sur l’épisode Carausius. Vous l’idéalisez complètement et en dressez un portrait assez fantaisiste. Vous lui inventez les intentions qui vous arrangent, sur l’unique base de vos idées préconçues.
      Et ce n’est pas seulement biaisé, c’est aussi légèrement incohérent, et même complètement faux, à l’occasion. Carausius assassiné par les Romains ? Si par « Romains », vous désignez ses propres hommes, ouais… Selon toute vraisemblance, c’est son bras droit Alectus, qui lui succéda ensuite en tant qu’ « empereur des Océans », qui est derrière cet assassinat. Mais je conçois que cela ne vous arrange pas tellement.

      Vous idéalisez et glorifiez les Ménapiens de façon assez suspecte. Quand j’ai commencé à m’intéresser à l’Histoire, l’une des toutes premières choses que j’ai comprise, c’est qu’on n’a jamais les gentils d’un côté et les méchants de l’autre. Ça, c’est juste une vision ultra-simpliste, guidée par les fiertés nationales ou nos préjugés, qui est très loin de la réalité. C’est bien pour cette raison que je me suis appliqué à taper sur des personnages comme Clovis ou Guillaume III d’Orange-Nassau. Ça fait toujours du bien de rappeler que ces gens qu’on nous présente plus ou moins comme des héros n’avaient rien d’anges. Et il en est de même pour Carausius et les Ménapiens. (Je note d’ailleurs que vous vous gardez bien d’évoquer les pillages dont le bonhomme s’est rendu complice.)

      Vous semblez tirer beaucoup de fierté d’être un « descendant direct » des Ménapiens. Méfiez-vous de cette expression qui ne veut en réalité pas dire grand-chose, quand on considère des laps de temps aussi grands. Pratiquement tous les Européens peuvent en dire autant. Et selon toute probabilité, vous êtes aussi un « descendant direct » des Romains et d’un paquet d’autres peuples.

      Souvenez-vous que de l’ordre de 9 Français sur 10 sont des « descendants directs » de Charlemagne. Alors se déclarer être un « descendant direct » d’un peuple entier, qui de plus a vécu 800 ans plus tôt, ça pèse vraiment pas lourd, comme info.

  2. Je suis tout à fait d’accord avec la remarque sur les connaissances de la langue et de l’histoire d’un pays quand on s’y installe. Malheureusement, l’histoire n’a jamais été ma matière préférée et mes tentatives de lecture sur l’histoire des Pays-Bas s’arrêtent souvent à l’époque de Guillaume d’Orange… J’avais justement dépoussiéré un livre d’histoire la semaine dernière (dans l’intention de le lire en entier cette fois) et je suivrai donc avec assiduité vos cours d’histoire!

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